Jouer le Stride des années 20
reste une performance. Quelques adeptes y sont parvenus par un patient travail
d'écoute, d'imitation et de répétition acharnée. C'est l'essence même de cette
musique qui ne se transmettait qu'entre initiés, avec les yeux et les oreilles.
Avec l'habitude, l'écoute permet de distinguer nettement les notes et il ne
reste plus - si l'on peut dire - qu'à jouer et répéter des centaines de fois ces
notes, ces phrases, ces thèmes, jusqu'à ce que cela ressemble à quelque chose
de naturel, bien assis sur un tempo quasi-immuable. La connaissance de
l'harmonie "classique" - construction et progression des accords - est un plus indéniable.
The
Mule Walk (J.P.Johnson) par Louis Mazetier
Pour ce qui est des yeux, c'est plus
difficile car les clubs enfumés et les cabarets
louches où sévit un pianiste "Stride" digne de ce nom ne sont plus
nombreux. Dans notre bonne vieille France, citons Louis MAZETIER, qui perpétue le style
dans la plus pure tradition, mais aussi Philippe SOUPLET et d'autres encore ...
Ailleurs dans le monde, Dick HYMAN, Mike LIPSKIN, Neuville DICKIE, Bernd LHOTZKY,
Stephanie TRICK, Paul ASARO, Judy CARMICHAEL ... tous ces pianistes de
talent donnent à cette musique presque centenaire, une jeunesse éternelle.
Conceto n°2 de RACHMANINOV dans un arrangement
stride de Cédric GRANELLE
Sweet Savannah Sue (Brooks, Waller, Razaf) par Dick Hyman
Mais il y en a d'autres ; qu'ils soient dilettantes ou professionnels, jeunes ou moins jeunes, ce style a ses adeptes et les amateurs sont nombreux qui se
pressent et s'approchent dès qu'un piano fait entendre la tranquille pulsation d'un morceau de Stride. Cet aboutissement n'est possible qu'à condition de posséder - en plus d'une bonne oreille - une technique assez avancée. Le rôle de la main gauche est
déterminant, sans compter qu'il est préférable d'avoir des mains qui
permettent facilement l'écart de dixième, très utilisé par les grands maîtres.
(Je ne sais plus qui disait que serrer la main de Fats vous donnait l'impression
de saisir un régime de bananes ... Georges Shearing, merci) Alors ceux qui dans leur prime jeunesse auront tâté un peu de la méthode
Hanon, puis joué quelques valses de Chopin avant de se rabattre sur Scott Joplin, auront un avantage certain pour aborder ce style, mais ce n'est
pas une condition sine qua non, l'essentiel étant le coeur et la motivation.
Cet apprentissage par l'écoute et l'imitation a souvent ses limites et la
musique écrite est alors indispensable.
Beaucoup de partitions, de Fats Waller ou traitant de piano Stride
ont été éditées durant ces dernières années. Certes, elles apportent des solutions, mais la plupart ont été écrites de
manière arrangée ou simplifiée et ne relèvent pas d'une véritable transcription.
Voici des recueils de transcription "note pour note" qu'il est intéressant de connaître car ils apportent beaucoup d'explications sur le jeux des
célébrités du "stride" au travers de thèmes fameux.
Transpiration garantie !
Fats Waller piano solos Transcriptions de
Paul Marcorelles.
Harlem stride piano solos transctiptions de
Ricardo Scivales
(Ecay Music)
Thomas Fats Waller The great solos
transcriptions de
Paul Posnak
(Hall Leonard)
Autre source, on trouve sur les pages du regretté John Farrell un grand
nombre de transcrpitions, fichiers midi et piano rolls. Tout cela vaut le
détour.
Toutes ces partitions permettent d'approcher encore plus près le style "Stride"
des grands maîtres et leur difficulté en dit long sur les qualités pianistiques
de ces personnages.
Elles ne permettront jamais une parfaite imitation de nos idoles ; cela
présenterait d'ailleurs peu d' intérêt, autant écouter l'original ; Et puis,
jouer avec sa sensibilité et son propre style est toujours mieux qu'une pâle
imitation.
Il faut aussi se rappeler que cette musique était principalement improvisée
et qu'elle doit conserver le plus possible son caractère spontané, inventif et
parfois même, audacieux.
Merci d'avoir passé quelques instants sur ces pages.
Fats Waller est un vieux compagnon depuis l'adolescence. "Quelques" années plus tard,
je suis toujours aussi admiratif lorsque je l'écoute, sans parler de sa bonne
humeur, si communicative ... elle abaisse la tension et balaie le
stress en quelques secondes - un médecin pourrait confirmer.
J'ai commencé à apprendre le piano en culottes courtes
et très vite, ce fut la rencontre avec le jazz et la chance de croiser
d'excellents musiciens au sein d'orchestres divers.
Partager cette passion pour Fats Waller (et bien d'autres
styles musicaux), est toujours un grand plaisir ; Ce site est l'occasion de
quelques échanges avec des passionnés des quatre coins du monde que je
salue cordialement et remercie pour leurs sympathiques messages.
références :
Ain't Misbehavin, the story of Fats Waller by Ed Kirkeby - Da Capo Press,
NY
Fats Waller, by Maurice Waller and A.Calabrese - Schimmer books NYr books NY Fats Waller, Alyn Shipton - Omnibus Press, London
Crédit photos : The Frank Driggs collection, M. Lipskin, S. Grossman, D.Schiedt